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ARCADE FIRE // WE

Dernière mise à jour : 8 juin 2022


Arcade Fire, Persona, revue, magazine
© María José Govea

Quand mon livre sur Arcade Fire est sorti en 2018, j’ai été interviewé par une radio de l’ouest canadien. Je me souviens avoir dit au journaliste qu’Arcade Fire était pour moi les Beatles des années 2000. C’est-à-dire qu’ils étaient aux années 2000 ce que les Beatles étaient aux années 60. Et les Cure aux années 80. Et Radiohead aux années 90. Il avait rigolé. Pourtant, qui peut se targuer d’être aussi créatif aujourd’hui, de changer d’univers à chaque disque, d’avoir pourtant une personnalité commune à chacun ? Personne je crois, à part eux. Le sixième album d’Arcade Fire, We, n’est pas un retour aux origines (au 1er album Funeral) comme on a pu le lire ici et là. Il est beaucoup plus électro, mais sans ressembler aucunement au précédent Everything Now qui, lui, était produit par un membre des Daft Punk et est sans doute à ce jour leur album qui sonne le moins « acoustique ». We, lui, est produit par Nigel Godrich, l’ingénieur du son quasi membre à part entière de Radiohead. Effectivement, on pense aux morceaux du groupe anglais ou à ceux de certains disques solos de Thom York, dans le rapport des instruments les uns aux autres. L’électro semble toujours affleuré sans s’imposer. Les rythmes synthétiques se mélangent à la batterie de Jeremy Gara sans qu’on sache s’il joue ou non. Cette perception est moderne mais elle rappelle aussi le rock des années 80, de Cure à Depeche Mode. D’ailleurs, à la radio la semaine de la sortie de l’album, un morceau de Cure était programmé sur une grande radio nationale et ma fille, aguerrie au son d’Arcade Fire, me dit : « Tiens ils passent encore Arcade Fire ». À faible volume, j’aurais pu aussi m’y laisser prendre.

L’album We comporte 7 morceaux ramassés en 40 minutes, et le groupe n’avait pas sorti un disque aussi court depuis Funeral. Il commence par une chanson magnifique, en deux parties, dont la première est un écho de Sprawl I, titre un peu oublié de l’album The Suburbs. Le rythme est lent, la voix de Win Butler chante une superbe mélodie, digne des meilleures de Bowie, doucement, posée sur une musique sans batterie. Mais tandis que sur l’album de 2010, des accords de guitare accompagnaient la voix, cette fois un piano la soutient.

C’est la troisième chanson de l’album, End of Empire, qui fait le lien avec les Beatles. On y entend des accents de Imagine de Lennon, à la fois dans les accords de piano et dans la mélodie. Si on analyse les textes des deux titres, on est encore plus troublé : écrit en 1970 au moment du Flower Power et de la guerre au Vietnam, Imagine se prend à rêver d’un monde sans frontière, sans pays à défendre, sans raison de faire la guerre, où la paix règnerait partout, tandis que End of Empire décrit la fin de l’empire et de la domination américaine. L’auteur de Imagine fantasme une Amérique idéale, sublimée – c’est encore possible ! - celui de End of Empire pleure un pays sans espoir. Cinquante ans d’agonie les séparent. L’humeur n’est plus aux utopies.

Les textes du début de l’album sont sombres, mais le contraire eut été étonnant après deux ans de pandémie. La magie de ce groupe est de refléter son époque, comme l’ont toujours fait les meilleurs, des Beatles aux Cure. On a mis du temps à rentrer dans le deuxième morceau, Age of Anxiety II, et puis cette alternance de la voix de Win et Regine, rappelant des morceaux de Reflektor, tellement romantique, ce mélange de batterie et de rythme synthétiques, et ce texte, tellement d’époque. Il ose une phrase " Somebody delete me " pleine de sens sur la période actuelle. À elle seule, soyons naïfs, elle évoque à la fois le désarroi des parents face à leurs enfants perdus dans leur téléphone, la perte de soi dans le numérique, l’addiction aux écrans, aux ordinateurs, dans cette phrase on voit autant ces immenses bureaux ou chacun a disparu derrière son (grand) écran, que les gens se réveillant pendant le confinement, plongés dans leur smartphone.

Puis la lumière arrive ( The Lightning I, II ) dans les textes (elle n’était pas absente de la musique), pour éclairer totalement deux titres pleins d’espoir et d’amour de la vie. The Unconditionnal I tout d’abord, explore un thème cher à Arcade Fire, rappelant Wake up, ou No Cars Go, et plusieurs morceaux de The Suburbs, s’adressant à la jeunesse et l’exhortant à être elle-même, à suivre sa route, à écouter sa voix intérieure même si le parcours de vie en est plus difficile. The Unconditionnal II , ensuite, rappelle que les races et religions pourraient / devraient s’entendre, un chant d’espoir reliant à... Imagine.

Quand le disque s’arrête, comme à chaque fois avec ce groupe, on n’a pas le sentiment d’avoir écouté un disque de rock. Ni d’aucun autre style d’ailleurs. Non, quand la musique s’arrête, on a l’impression d’avoir écouté... Arcade Fire.

L’air en est encore imprégné. Et on a juste envie d’y plonger encore.

Matthieu Davette








Arcade Fire – WE

Label : Arcade Fire Music

Date de parution : 6 mai 2022











Matthieu Davette - Arcade Fire

Éditions Le mot et le reste.

336 pages (148x210)

23 euros.



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