DA CAPO //ICI L'OMBRE !
- PERSONA
- il y a 3 jours
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Par Mathieu David Blackbird
LA FORMATION EMMENÉE PAR ALEXANDRE PAUGAM CONTINUE DE CREUSER SON SILLON ENTRE NOIRCEUR ET ROMANTISME ÉCHEVELÉ ET AJOUTE UN NEUVIÈME CHAPITRE À CE QUI COMMENCE SÉRIEUSEMENT À RESSEMBLER A UNE ŒUVRE MAJEURE.
Le lecteur attentif de Persona n’ignore désormais plus rien de Da Capo depuis que nous sommes revenus dans le vingt-troisième numéro de notre édition papier sur la discographie de ces talentueux Auvergnats qui ajoutent aujourd’hui une pierre à l’édifice dont l’aile la plus récente – faite de blocs de granit noir que lèchent les rayons d’une lune menaçante – n’ a plus que très peu en commun avec le chalet tout en bois précieux construit à l’époque de Minor Swing et duquel s’échappait l’écho des Kinks et des Pale Fountains. Songs From The Shade s’inscrit ainsi dans la lignée de Paradise et The Light will Shine On Me - ce qui à ce niveau d’excellence ne chagrinera personne – à ceci près qu’il s’agit – ne fuyez pas ! – d’une manière de concept album.
" Le thème général du disque est assez Shakespearien – il narre les divagations d’un roi complètement paranoïaque enfermé dans son donjon. Il y a une vraie unité entre les chansons. Le disque s’écoute donc comme un récit. Écrire des paroles a toujours été un cauchemar pour moi mais cette fois-ci j’ai trouvé un fil conducteur et ça m’a libéré – j’ai écrit une véritable histoire. Il y a eu quelques albums par le passé où je me disais qu’il aurait fallu un vrai single pour attirer un peu l’attention alors que pour celui-ci cela n’a pas été du tout le cas. J’ai fait le disque que j’avais envie de faire et il n’y a pas l’ombre d’un single parmi ces nouvelles chansons – ce n’était pas l’objectif. Avec Da Capo, nous nous sommes toujours tout autorisés – une grande diversité d’influences à l’instar des Beatles et du White album par exemple. Mêler Bossa Nova, Boléro, rock and roll – avec mon frère Nicolas qui jouait avec moi jusqu’à Out Of Spain on voulait tout essayer. Sur Minor Swing, tu as de la Bossa Nova, des ballades façon McCartney, on était très influencé par Ray Davies et il y avait déjà des éléments un peu sombres directement hérités de Big Star – un véritable choc pour moi – mais c’était un disque de jeunesse – forcément un peu immature. L’avant-dernier album était un peu disparate et partait dans plusieurs directions – celui-ci a plus d’unité et c’est ce que je souhaite faire en vieillissant. Je n’ai plus envie de montrer l’étendue de ce que je sais faire mais de resserrer le propos. J’ai une exigence de composition – j’aime les disques sans déchets et c’est ce que je veux pour ce projet ".
Si l’on peut qualifier depuis quelques années la musique de Da Capo de volontiers "gothique" – au sens dix-neuvièmiste du terme – son maître à jouer Alexandre Paugam n’en est pas moins éminemment chaleureux, le verbe haut et l’œil rieur à mille lieues du poète torturé que l’on serait en droit d’attendre – du moins en surface – ce qui ajoute encore au caractère mystérieux de sa musique.
" C’est vrai que Songs From The Shade est un disque très noir mais j’aime les disques noirs. On The Beach, Third, L’imprudence – ce sont des disques de chevet. J’aime quand ça frictionne."
Du magnifique Alone qui évoque la perte de l’être aimé à I Need You, réflexion sur la religion et la recherche d’un dieu rédempteur en passant par Hear Me Brother et The Moon And The Sun qu’aurait pu chanter le Nick Cave héroïnomane de Your Funeral…My Trial, le cœur noir mais vibrant de ce disque est tout à fait exceptionnel. Il y a toujours au coin de l’une de ces chansons un arrangement, une phrase, une envolée qui vous brise le cœur. Songs From The Shade est un disque sur la décadence et la folie – on ne saurait faire plus actuel.

Da Capo Songs From The Shade (Autruche records / Inouïe distribution) 2025
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