Tranchant, élégant
par Paskal Larsen
Fine Lame est un jeune groupe de Montreuil qui s’est formé en 2019, composé de Raphaël Sarlin Joly au textes et chant, Mathias Bourre aux claviers, piano, Thomas Gendronneau à la guitare, basse, chœurs et de Frank Quintard à la batterie et percussions. Fine Lame compose une musique tendue, sombre, rythmique, porté par le chant grave, poétique et habité de Raphaël. Chez eux, les textes écrits en français sonnent divinement bien. Extrait : " Fleurs putréfiées, Danse subtile des murènes et des congres, Femmes objets Gorgones obsédantes, Et roses trémières, Et bulle papales " (Sortie de route). Les textes, le chant, le parler, sont mis en valeur sur du rock écorché proche de l’industriel. On est dans le cérémonial funèbre, prêt à sortir la nuit pour faire face aux "armées d’automates " (Sortie de route). Quelque part entre Nick Cave, Complot Bronswisk, Mecano, Marquis de Sade, Seconde Chambre, les compos de Fine Lame ont du coffre, du style, de la présence et une résonance très singulière dans le paysage " rock " actuel. Fine Lame est à part, c’est leur force artistique, que le groupe nous envoie en pleine face avec un magnifique EP sorti en novembre 2022.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours avant la création de Fine Lame ?
Mathias (clavier, piano) : Il y a forcément beaucoup à raconter. Les souvenirs adolescents d'enregistrement et de production hip-hop dans ma chambre enfumée, avec mon pote Sofiann et des gars du quartier, à retravailler le flow et les prods sur du matos vraiment limite. Les bars de Parmentier où l'on a joué nos premières dates avec CLN (groupe créé avec ma sœur, renommé aujourd'hui STRIGA), mélangeant whisky, free-jazz et spoken word. Il y a eu le CIM, l'école de jazz et de musiques actuelles que j'ai faite à 18 ans, les jam sessions et les rencontres. Tous les pianos-bars et les cafés-concerts qui ont suivi, les albums de jazz et de classique faits à distance avec le saxophoniste et compositeur Alistair Brown. Les dates improbables dans des coins paumés de la France, la voiture en panne avec le patron qui refuse de payer. Les lettres sans réponse, écrites au piano pour des filles de passage. Le Resonate Festival à Belgrade avec le groupe new-wave Välens et mon pote Andrea, les répétitions jusqu'à 6h du matin, à tourner à la Rakia dans une boîte de nuit désaffectée rachetée et transformée en studio par Oliver Mandić. Les nuits blanches en studio à Montreuil à chercher un son en provenance d'un cauchemar, sur des synthétiseurs tout droit sortis d'un film de Cronenberg. Ce sont les souvenirs qui me viennent à l'esprit mais il y en a évidemment plein d'autres...
Frank (batterie, percussions) : D'aussi loin que je me souvienne, mon père gratouillait dans des jam sessions avec des potes, et lors d'une pause j'en ai profité pour grimper sur cette énorme batterie qui n'attendait que moi. Le coup de foudre ! Ensuite mon éducation musicale s'est faite entre le conservatoire et les sorties au Confort Moderne, mythique salle de concert à Poitiers. Savante, populaire, urbaine, traditionnelle ou expérimentale, avec quand même une nette tendance pour la musique indépendante en générale, j'ai fourré mon nez presque partout. De la musique médiévale au fin fond de la Pologne, ou bien de l'opéra (au fond de l'orchestre !) en passant par mes premiers groupes de fusion avec les potes dans les 90's… j'ai même été DJ pour un battle de break-dance ! Des souvenirs marquants avec la danse aussi, au Burkina-Faso puis au Tchad, cela aura laissé une belle empreinte sur mon parcours.
Thomas (guitare, basse): Musicien multi-instrumentiste autodidacte, j’ai toujours aimé taper le rythme sur n’importe quel ustensile de cuisine et personne ne fait aussi bien que moi les solos de guitare de Santana à la bouche ... inéluctablement, je devais en plus de mon métier de comédien jouer de la musique, quel que soit l’instrument. J’ai donc eu droit à boucher les trous de mon groupe de lycée, et ai donc été successivement bassiste, un peu batteur, puis guitariste rythmique, avant d’être officiellement bassiste et chanteur. Puis j’ai eu la chance de faire beaucoup de projets de théâtre et musique live, dans lesquels j’ai continué d’expérimenter et d’apprendre ces instruments.
Raphaël (textes, voix) : Je suis peut-être en apparence le moins « musicien » du groupe, mais de toute façon, je ne sépare absolument pas la musique et la poésie. L’oralité d’une langue, la musicalité d’un texte, la construction d’un rythme ; c’est toujours ce à quoi j’ai été sensible en premier lieu, ce que je suis venu chercher même dans des amours poétiques. Le tourneboulé ivre de la danse d’une prosodie… Orphée dans le mythe est le premier poète, et pourtant il arbore une lyre, c’est bien le signe que cette distinction un peu rigide ne tient pas.
Pour parler de parcours, la musique a pris au fur et à mesure de plus en plus de place dans mes créations à la frontière entre la poésie et le théâtre. Mon premier spectacle en tant qu’auteur (la réécriture d’un conte, Et je vis le regard des Chats Sauvages) avait un bassiste sur scène ; véritable contrepoint à la musicalité de la langue, qui tour à tour venait l’épouser, s’y confronter, la souligner… Le second, Nous irons pieds nus comme l’Ire des Volcans, était un oratorio poétique, dans lequel une comédienne était accompagnée par une composition orchestrale taillée sur mesure, au sein de laquelle son adresse puisse se déployer. Vint ensuite une litanie portée par une basse et un saxophone, antiennes et répons de son chant désespéré, Révélant sur la Grève quelques Corps immobiles.
Et puis un spectacle qui ancra tout cela, véritable éclosion-réunion de tous ces dialogues esquissés : Canto Transsibérien, un spectacle entre poésie (déclamation incantatoire), théâtre (récit adressé à un spectateur), et musique (format concert avec claviers, guitares, batterie). Ce road-movie poétique rock, entre carnets de voyage et géographie de l’errance intérieure, c’était la rencontre entre la cristallisation de mon écriture, la puissance d’évocation qu’elle quête, et la puissance émotionnelle du concert. C’est d’ailleurs ce qui m’avait toujours manqué auparavant, dans mes explorations théâtrales, ou textuelles : une certaine déflagration, une capacité à l’explosion, à l’éruptivité immédiate de la forme. Je ne la trouve pleinement réalisée que dans la musique, dans la trame de son halètement. Même dans le texte « sans musique », d’ailleurs : justement car on veut généralement dire par là sans instruments de musique, mais s’il est véritablement sans musique il ne m’intéresse pas. Sa musicalité propre en revanche, la force de saisissement de son déboulé rythmique, c’est tout de suite ce qui m’interpelle.
Par quel biais vous êtes-vous rencontrés ?
Mathias : Par ma sœur Sara Bourre, qui est auteure et qui est aussi dans la musique. Raphaël cherchait des musiciens pour mettre ses textes en musique et ça a tout de suite collé.
Frank : Pour moi c'est à la grâce d'un coup de foudre pour Fantaisie Ferroviaire. Fine Lame cherchait un batteur, on s'est reniflé et ça a tout de suite collé !
Thomas : Raphaël et moi, nous sommes d’ailleurs rencontrés via le théâtre et le verbe, avant qu’il me propose de rejoindre la formation de Fine Lame. Je crois que la volonté de ce projet a toujours été de faire vibrer la terre et les êtres avec un verbe porté haut et fort, et des musiciens un peu fous qui joueraient avec passion et désespoir pendant que le navire tient bon la vague. Une fois qu’on s’est retrouvé tous les quatre en studios, je crois qu’on a tous compris qu’on était au bon endroit au bon moment.
Raphaël : Justement, sur le Canto Transsibérien dont je parlais précédemment : ça a en effet tout de suite collé avec Mathias, qui en était le claviériste. On a immédiatement voulu, à la suite de cette expérience, former un groupe, pour parachever cette métamorphose depuis une forme encore théâtrale (notamment par son unicité, son récit), vers une logique pleinement musicale. Je voulais aller au bout de cette progression-là, je n’avais pas encore trouvé les bonnes personnes pour le faire, et là il y avait une évidence. Évidence aussi que de proposer à Thomas d’intégrer le groupe, pour les connivences que nous avons. Et puis idem pour Frank, qui a rejoint le groupe un peu plus tard, mais on a acté ça ensemble sans un mot, par un regard entendu. Je reviens à ce que je disais sur la force vive qui m’a toujours manqué dans des univers théâtraux : le fait de vouloir y croire, dans ce que ça dégage, mais avec un tel décalage entre intention et résultat final. Je ne dis pas que le théâtre ne peut pas être captivant ou décisif. Mais la vibration poétique se catalyse puissamment par cette densification de sa musicalité propre.
Avez-vous une définition, un sens sur le nom de Fine Lame ? Raphaël : L’évidence, là encore… Il y une brutalité dans ce tranchant, mais aussi une retenue, une élégance. C’est une manière de signifier la charge assez violente qui habite nos morceaux, mais en même temps sa danse au-dessus du vide. Un gant jeté à la médiocrité de l’époque, aussi. Je ne peux pas en dire beaucoup plus : de définition ou de sens immédiat, certainement pas, comme pour l’ensemble de nos morceaux : il n’y a pas de message, de clef de lecture ou d’injonction directe, il y a des constats, des formules (comme ce nom), des propos, et chacun viendra y projeter ce qu’il veut, le lire à sa propre lumière.
Raphaël, sur ta page Facebook tu indiques Poète et non pas Chanteur de Fine Lame. La poésie te correspond plus que la chanson ?
Raphaël : Oui, bien plus. Pour plusieurs raisons.
D’abord parce qu’il y a une technicalité dans le chant, que je ne possède pas. Je parle bien plus que je ne chante ! Ensuite parce que c’est la poésie qui constitue le tronc de tout ce que je fais, quelle que soit ensuite la forme ou la direction dans laquelle cela se déploie. Je comprends Cocteau quand il allait jusqu’à parler de « poésie de cinéma » ou « poésie graphique, » par exemple. Ou Pasolini… peut-être chacune de ces figures qui étaient avant tout poètes et qui ont aussi exploré d’autres formes. Enfin parce que, dans Fine Lame, j’aborde l’écriture sous le prisme de la poésie plus que sous celui de la chanson (avec tous les guillemets et les réserves sur les distinctions que j’évoquais précédemment) : l’attachement premier va à la tonalité et la coloration du texte, de la façon dont sa langue enflammée va embraser tout le reste. De cela découle la musicalité sous-jacente, et surtout pas l’inverse.
Les textes sont très importants dans les compositions. Les phrases sont longues, portent un regard affuté avec un langage où les mots sont plus proches du littéraire que du langage du quotidien. Raphaël, peux-tu nous dire quelques mots sur ta façon d’écrire, les sujets qui t’obsèdent ?
Raphaël : Le rythme m’obsède. Le tourbillon de la langue, sa vibration, ce que sa pulsation crée de sensible, ce que son sonore appelle, son tumulte, son ressac. Ce sont des visions qui m’obsèdent et qui me hantent. Des voix disparues, des paysages oubliés, des ruines et des décombres sur lesquels nous sommes juchés. Au fond, c’est peut-être l’irréductible écrasement des êtres, leur perpétuelle quête de transcendance, mon sujet principal. Comment ne pas sombrer. Je suis hanté par la chute. C’est une forme aiguë de peur de la disparition.
J’écris dans un double mouvement de décantation et de jaillissement. Par bribes agrégées et accumulées dans une lente maturation : qui viennent ensuite (re)surgir, dans un immédiat sentiment d’urgence qui appelle le texte. Mais c’est un endroit très mystérieux, rétif à être conquis ou dompté.
T’intéresses-tu aux mots, à la langue française depuis tout jeune ? As-tu des cahiers entiers de textes ?
Raphaël : J’ai été sauvé à l’adolescence par la poésie de Blaise Cendrars. Son déplacement sensible, son mouvement ivre, son appel du large, m’ont sorti d’une grande torpeur et d’un vide existentiel. Comme un appel, à vivre l’instant permanent comme une épopée du réel. Depuis cette déflagration inaugurale, je suis allé errer en de multiples compagnies de manière assez vorace, des surréalistes (surtout Desnos) à Calaferte, de Reverdy à Apollinaire ou Char, de Crane à Pizarnik, de Pierre Michon à Drieu la Rochelle, de Huguenin (quel frère de race mentale !) à Pichette, d’Artaud à Koltès, de Louis-René des Forêts à Claudel, de Césaire à Daumal, de Pessoa à Maïakovski, et j’en passe tant. L’essentiel restant le compagnonnage constant avec l’Iliade et l’Odyssée, les deux odes à la rage, et avec l’Enfer de Dante.
Ma préférence va à la profondeur des teintes de sang, elle peut se porter tout autant à un extrême ou à l’autre du spectre de la langue, du squelettique du Paysage avec palmiers de Bernard Wallet à la floraison du Cul de Judas d’Antonio Lobo Antunes. Il y a un glissement intéressant dans la question, depuis « les mots » vers « la langue française ». Et, précisément, tout jeune, je fréquentais bien davantage la langue anglaise. Le français est venu après – j’ai vécu une profonde crise d’identité quand je me suis rendu compte que quelque part je parlais mieux anglais que français. Je me suis justement mis à écrire pour me réapproprier ma langue. Comme je le disais, j’écris beaucoup par accumulation de bribes, par dépôt, par sédimentation : donc oui, j’ai des cahiers entiers de textes chez moi, mais aussi des dossiers entiers de mémos vocaux, de notes sur téléphone ou à l’ordinateur, partout. Mais rien qui ne présente grand intérêt sans agencement et travail de polissage…
Les textes sont-ils écrits avant la musique ?
Mathias : Oui, on travaille autour du texte mais tout reste en mouvement, rien n'est figé. Selon moi, il ne s'agit pas de créer un « paysage sonore » mais plutôt de créer un langage neuf, où la poésie et la musique se fondent.
Frank : C'est ça, on cherche à dépasser la simple juxtaposition texte/musique en s'appuyant sur l'aspect lyrique des compositions. Ça stimule les interactions à tous les niveaux du processus, y compris sur scène où là c'est très organique, et ça nous permet d'explorer les idées en toute liberté. Essayer, en quelque sorte, de sublimer le cadre du spoken word. Vaste programme !
Thomas : C’est un système qui est sans cesse requestionné et qui évolue en même temps que chacun de nous avance dans sa vie... je dirais que la matière textuelle préexistant, l’un de nous trouve un thème ou une mélodie à partir d’une énergie qui s’en dégage, souvent Raphaël a déjà une idée de son refrain, du rythme qu’il veut donner aux mots. De sa litanie verbale nous trouvons la prière musicale à tâtons.
Raphaël : Exactement. Ce serait simplifier et trahir que de donner l’impression qu’il s’agit en clair de poèmes mis en musique. Oui, les textes préexistent comme matériau, et impulsent une direction musicale générale, mais il y a ensuite tellement d’allers-retours qu’au bout d’un moment on ne sait plus bien ce qui influence quoi. Il y a une interdépendance organique, en spirale.
Votre style musical est singulier dans le paysage rock actuel. Comment avez-vous trouvé votre son, quelles sont vos influences ?
Mathias : Le processus de création reste pour moi un mystère. Musicalement, j'ai parfois l'impression que les choses se font malgré nous.
Chacun vient avec son bagage et on met tout ça en commun. Le tout se fait assez naturellement finalement. On essaye juste de ne jamais tomber dans la facilité et d'éviter les raccourcis.
Quant aux influences, je crois que ça dépend pas mal des jours ! Pour l'EP, je sais que j'écoutais beaucoup Avishai Cohen, Archive et Nine Inch Nails à cette époque.
Frank : Singulier ? Merci beaucoup, c'est un très beau compliment. On n'a pas trouvé notre son… c'est le son qui nous a trouvé ! Pour les influences, c'est vaste. Il y a bien des groupes comme Cheval de Frise, Khruangbin, Salem, Squarepusher, Ravel, ou bien Herbie Hancock qui m'accompagnent, mais je puise tout autant mon inspiration à contempler une aquarelle de Turner, écouter la rumeur nocturne d'une ville.
Thomas : Le son s’est défini au fur et à mesure des recherches en répétitions, il ne cesse d’évoluer. Il s’agit vraiment de trouver la place des fréquences de chacun d’entre nous, afin que chaque partition ressorte et puisse s’écouter très précisément. Dans certains morceaux, comme Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu, on entend bien la progression et l’arrivée de chacun des instruments, jusqu’à ce que nous jouions tous ensemble. Il y a un peu ce phénomène de chœurs qui accompagnerait un coryphée.
Raphaël : Oui, on cherche beaucoup, on explore différentes dimensions, c’est pour cela que le son n’est ni figé ni enfermé dans un genre unique. On s’amuse beaucoup en ce moment des différentes étiquettes qu’on nous accole (ici post-punk, là punk, ailleurs swamp rock, bref, ça peut être vraiment divers), parce qu’on ne s’y reconnaît jamais vraiment, même si on en aime certaines plus que d’autres. On a aussi vraiment chacun notre identité et notre goût en matière musicale, ça crée une complémentarité assez forte dans le groupe. C’est fécond, même si on est loin d’être toujours d’accord !
De mon côté je crois qu’il y a une influence-clef qui est Noir Désir – et particulièrement le chant du cygne Nous n’avons fait que fuir. C’est peut-être le firmament du rock poétique français, cette forme parlée de cinquante minutes, un zénith dans l’articulation entre poésie contemporaine et brutalité rock. J’y reviens systématiquement parce que c’est une œuvre magistrale, qui éclaire chaque fois la manière d’aborder cette équation. Je ressens aussi une influence très nette de Bob Dylan, dans sa vision du temps, de ne pas séparer réalité et monde de visions, fantômes et vivants, de ne pas envisager l’Histoire comme linéaire mais comme une sphère qui contiendrait simultanément passé, présent et futur. Toutes les résonances de l’espace-temps vibrionnant de concert. Soit, en clair, cette aptitude à faire quelques incursions du côté du monde des morts…
Et c’est vrai qu’il y a tant d’inspirations autres que les influences directes :
La mer Méditerranée.
Le siècle d’or espagnol.
Les soleils de Sonia Delaunay.
Malebolge, le huitième cercle de l’Enfer de Dante.
Le reniement de Dieu dans l’ouverture du Dracula de Coppola.
La crochet du gauche de Sonny Liston.
Le compagnonnage entre Gilles de Rais et Jeanne d’Arc.
Le ronronnement du V8 d’une Jaguar XKR.
Les poèmes d’amour de Robert Desnos.
Le plongeon d’Achille dans le Styx à la naissance.
L’âme vendue au Diable de Robert Johnson.
La corde d’Ian Curtis.
Le gardénal de Drieu La Rochelle.
La Stratocaster de Mark Knopfler.
Les manteaux de Tommy Shelby.
La fonderie de la cloche dans Andreï Roublev.
Le concert à Cologne de Keith Jarrett dans le Journal Intime de Nanni Moretti.
La plage où Pasolini a été assassiné.
La radioactivité de Tchernobyl.
La veste en croco de Sailor dans Wild at Heart de David Lynch.
Les chants dans les monastères orthodoxes.
Le sang dans Only Lovers Left Alive.
La conquête du Mexique par Hernán Cortés en 1521.
La finition chromée d’un Colt Python 357. En 6 pouces.
L’apaisement d’un chien qui dort.
La mélancolie de Leonard Cohen.
L’errance dans le désert hors de la ville dans Zabriskie Point.
Les rythmes à trois temps des locomotives du Transsibérien.
La force épique de la dernière temporada de Roca Rey.
La ligne claire d’un dépassement d’Ayrton Senna.
Le système agrégatif de la langue des anciens Nahuas.
La douceur amusée des traits d’esprit de Corto Maltese.
La vente d’armes d’Arthur Rimbaud.
L’arcade sourcilière d’Ervin Zádor lors du bain de sang de Melbourne.
La main gauche de Cervantes perdue à Lépante. Le bras droit de Blaise Cendrars perdu à la ferme de Navarin.
Le premier vers de l’Énéide : « Je chante les armes et l’homme. »
Je choisis tout, pour parler comme Sainte-Thérèse de Lisieux.
A ce jour vous avez publié un EP 5 titres. Vous sentez-vous prêts pour le long format ?
Mathias : Clairement. Le sujet est d'ailleurs sur la table.
Frank : Un LP, ouais, ce sera l'occasion de déployer toute la palette de Fine Lame. La matière est là, ne reste plus qu'à lui trouver l'écrin idéal.
Thomas : Nous avons aujourd’hui assez de titres pour l’envisager, et nous avons toujours aimé l’idée d’épopée, de traversée musicale. Le long format permet de varier les rythmes et les styles, il y aura peut-être quelque chose de moins brutal et violent que dans notre premier EP, car il sera teinté de morceaux plus tendres.
Le visuel de l'EP est une photo prise par toi Raphaël. Peux-tu nous dire d'où vient cette image ?
Raphaël : C’est une photo que j’ai prise au Kosovo, dans la capitale, Pristina, en hiver, en pleine tempête de neige. On y voit la Bibliothèque nationale – et puis, comme on est en pleine tempête de neige, il y a cette figure humaine à peine visible qui tente de s’abriter, avec son parapluie dérisoire. Et l’architecture brutaliste accentue encore l’écrasement de l’Humain, de l’individu en proie aux assauts du monde – et qui fait ce qu’il peut pour ne pas ployer. « Ou je tue le monde, ou le monde me tue », pour citer Pasolini.
Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu (Autoproduction) EP 5 titres
Avez-vous des prévisions de concerts et quelle expérience en attendre ?
Frank : J'espère qu'à un concert de Fine Lame il y ait un avant et un après. Avec Raphaël en maître de cérémonie, le verbe vous touche, et le spectateur, aussi (in)sensible soit-il, ne ressortira pas indemne d'une telle expérience. Je vous le garantis.
Raphaël : Oui, il y a des concerts de prévus ! On va bientôt annoncer tout ça.
Ce que l’on souhaite donner à expérimenter, c’est un moment de vérité - une transe, une communion, une révélation, une cérémonie. Il y a quelque chose d’enfiévré, de chamanique, dans ce que l’on tente de faire.
Avez-vous un message pour les lecteurs de Persona ?
Frank : Un grand poncif : rester libre, dans le corps et dans l'esprit.
Mathias : Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit !
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