top of page
Photo du rédacteurPERSONA

JEHNNY BETH // TO LOVE IS TO LIVE


TO LOVE IS TO LIVE (Caroline Records) // 2020.

Ces temps-ci, certains disques se donnent à la première écoute (Grand Prix de Benjamin Biolay), d’autres résistent encore à la seconde (The New Abnormal des Strokes), d’autres enfin, comme To Love Is To Live de Jehnny Beth, gagnent à être connus. Pas vraiment facile d’accès, plus on l’écoute, et plus on l’aime. Dès le départ, on est frappé par la cohérence d’ensemble, qui donne envie d’y revenir, même si certains titres rebutent. Les morceaux s’enchaînent en un parfait équilibre autour de deux balades magnifiques :

« We Will Sin Together » avec la chanteuse de The XX au chœur, et « French Countryside », co-écrit par... la chanteuse de The XX. Voilà deux chansons d’amour qui touchent au cœur. Toutes deux sont positionnées stratégiquement sur le disque, en fin de première moitié pour l’une et vers la fin de la seconde pour l’autre. Pour y arriver, il faudra lutter par moment, en passer par des titres « perturbants » (comme « I Am The Man »), pour faire plaisir à Kim Gordon, qui trouvait lors d’une interview récente « drôle que la musique ne soit pas PLUS perturbante ». D’ailleurs, comme la bassiste-chanteuse des ex-Sonic Youth quelques mois auparavant, Jehnny Beth choisit une voie personnelle pour son disque solo. Elle ne creuse pas le sillon du post-punk entamé avec son groupe Savages et exploré dans son émission de télé Echoes, et c’est tant mieux, parce que l’objet final est plus original et intéressant. Jo Talbot, le chanteur des Idles, un groupe anglais post-punk qui a participé à l’émission sur Arte, est pourtant invité ici, mais sur un titre très électro (« How Could You »). Jehnny Beth semble plutôt puiser à la source de ses projets musicaux, là où on l’avait vu débuter, chez John & Jehn. Mais bien sûr, comme elle s’en est émancipée dix ans durant, elle revient avec plus de force et de maturité. Ce duo a sorti un premier disque en 2008, dans l’esprit de certaines productions du groupe PiL. Il comportait déjà quelques morceaux âpres à l’écoute, mais aussi un superbe titre chanté à deux voix, « 20L07 ». Son partenaire d’alors, Johnny Hostile (le John du titre), co-signe aujourd’hui quasiment toutes les musiques de To Love Is To Live et y joue de plusieurs instruments. On reconnaît sa pâte électro déjà présente chez John & Jehn, mais plus travaillée ici.

Ses arrangements sont moins agressifs et accompagnent parfois merveilleusement Jehnny Beth, comme sur « French Countryside ».

La fin du duo John & Jehn a été précipitée au début des années 2010 par des conflits avec l’industrie de la musique –

ils n’avaient aucun droit sur leurs morceaux. Ils ont alors créé le label Pop Noire, qui produisit et sortit Lescop et sa forêt sombre. Le label leur permit d’acquérir une certaine indépendance, mais aussi d’abriter des projets sortant du cadre de la chanson, comme la bande-son d’un documentaire consacré à la lanceuse d’alerte transgenre Chelsea Manning

(XY Chelsea). Jehnny Beth et Johnny Hostile lancent des ponts vers d’autres formes d’art, et notamment le cinéma. Comédienne de formation, Beth interprète avec justesse le rôle de Christine Angot dans le film Un Amour Impossible de Catherine Corsini. Sur son disque, elle s’est permis d’inviter l’extraordinaire acteur irlandais Cillian Murphy, inoubliable dans Le Vent se lève de Ken Loach, pour dire un texte sur le seul morceau où elle n’intervient pas (« A Place Above »).

On l’aura compris, To Love Is To Live est plus qu’un simple disque de chansons. C’est une œuvre musicale singulière avec un vrai univers, à découvrir, et esthétique, comme l’annoncent le vinyle entièrement blanc et la jolie pochette, une photo du corps statufié de Jehnny Beth. Il y est nu, et d’ailleurs, un livre sort en parallèle en ce moment, contenant des photographies et des nouvelles érotiques, les unes prises par Johnny Hostile, les autres écrites par Jehnny Beth...


Matthieu Davette, Juillet 2020.


59 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page