LA VIE C’EST CHIC
PAR MATHIEU DAVID BLACKBIRD
PHOTOGRAPHIES PLANTEROSE
LES 4 PÉPINIÉRISTES ROUENNAIS DE PLANTEROSE NOUS AVAIENT INTRIGUÉS ET SÉDUITS AVEC LEUR PREMIER BOUQUET DE CHANSONS PARU IL Y A 2 ANS - ILS RÉCIDIVENT AVEC CE NOUVEAU MINISTÈRE QUI CONFIRME ET AFFINE LE PROPOS.
L’exercice est difficile et les formations francophones alliant avec talent et pertinence musique pop tendance ligne claire et l’idiome de Michel Platini ne sont pas légion – les indétrônables Gamine durant leur période Barclay, Les Freluquets à l’époque de La Débauche, les Tourangeaux de Chelsea ou encore Les Objets ont brillamment réussi l’exercice. Les épatants Franciliens de The Reed Conservation Society ont récemment franchi le pas avec bonheur et les plus curieux d’entre vous ne seront certainement pas passés à côté de l’unique album des Belges de Melon Galia – l’exquis Les Embarras Du Quotidien.
"J'avais envie de chanter en Français explique Florence Biville dont la voix fraiche et très légèrement acidulée fut le premier élément à nous faire dresser l’oreille dès Je Suis Un Mur - qui ouvrait le premier album du quartette. Je ne suis pas bilingue et je ne pouvais pas écrire comme je le voulais dans la langue de Shakespeare ! J'ai toujours aimé les mots, les romans, la poésie, et j'ai toujours écrit, pris des notes par ci par là. C'est un challenge de chanter en français et d'être mélodique, sans tomber dans les créneaux chansons à texte, rock alternatif ou talk over systématique. On compose ensemble justement pour ça : les textes s'adaptent à la musique et la musique suit les orientations données par l'écriture. C'est le moment que j'adore : trouver la mélodie et construire la suite, la structure. Les arrangements, c'est la déco. Mais c'est un jeu passionnant. Il faut faire confiance à sa créativité, sa spontanéité. Sans doute qu'écouter beaucoup de musique aide à développer cela. On se nourrit des autres mais aussi du quotidien. C'est un mélange des sens. Il y a des groupes ou des artistes qui chantent en français qui sont certainement inspirants car écoutés souvent : Serge Gainsbourg, Dominique A, Holden. Mais musicalement, on a un côté plus anglo-saxon."
"Personnellement, composer avec Florence qui écrit en français, m'a rendu plus attentif aux textes des morceaux que j'écoute ajoute Thierry Douyere. Et c'est beaucoup plus direct pour un auditoire français, alors que nombre de gens écoutent des textes anglo-saxons sans se soucier du sens des paroles et n'en retiennent que la mélodie."
"J’aime la façon d’écrire de Florence complète Nicolas Ridel. En dehors des thèmes abordés dans nos chansons, j’adore son sens de la formule, de la punchline ! "
Si les chansons sur ce nouvel effort se font un peu plus concises, les textes sont toujours mélancoliques - voire franchement désabusés - sur le thème de l’amour déçu – et qui se fane. Il n’y a manifestement pas d’amour heureux.
"Des moments d'amour heureux, oui... plus souvent que des amours heureux qui durent...confirme Florence.
L'amour, c'est un sentiment qui ne dure pas forcément et on ne sait pas toujours pourquoi. C'est complexe. Il y a cette drogue qu'est l'état amoureux, le désir, qu'on voudrait éternel, et puis il y a la réalité... Une grande et belle histoire d'amour, c'est extrêmement rare. C'est beaucoup de concessions, de déceptions, de non-dits, de mensonges. Malgré tout, on espère toujours trouver et incarner l’être idéal de quelqu'un. Faire des projets, espérer, ça permet de ne pas devenir vieux trop vite...
Célébrer l'amour heureux, ça peut être un exercice ! Je célèbre des moments d'amour. Ma vie amoureuse est assez instable pour dire vrai."
Nouveau Ministère poursuit ainsi sur la lancée d’un premier album éponyme dont les meilleurs moments – Frimas ou La Vie C’est Chic – faisaient preuve d’une belle finesse mélodique. Le Cap Sur, Pas l’Moral et surtout Ton Héritage confirment un talent d’écriture certain.
"Le Cap Sur a été composé rapidement, guitare et chant, avec Thierry. Peut-être parce qu'elle parle de la Californie, il y a cette guitare surf - j'aime Dick Dale - et des chœurs évanescents.
Je suis allée à Big Sur avec mes filles au printemps dernier. La Californie, c'est un fantasme qui vient de mon amour pour les 60s, la Pop, l'océan, le soleil. Big Sur est aussi un clin d'œil à un passage de La Promesse de l'Aube de Romain Gary. Les textes sont souvent des touches qui s'ajoutent les unes aux autres et créent une sensation, une façon impressionniste de raconter. Toutes ces histoires qu'on traîne dans sa tête et qui se révèlent bien souvent très loin de la réalité."
" Le côté ligne claire s’est imposé immédiatement sur cette chanson indique Nicolas. Nous voulions ce côté pop aérien sur les couplets, et cette guitare à la Stone Roses sur les refrains."
PourTon Héritage, la mise en place a été plus compliquée reprend Florence. Je n'étais pas hyper séduite par le côté ternaire en français, une valse, c'est difficile de ne pas tomber dans le cliché. Alors, on s'est bien torturé pour trouver des arrangements, loin de l'esprit chanson rive gauche. J'adore le son de clavier, façon Commissaire Moulin de François de Roubaix. Cette chanson parle de mon père. Je l'ai écrite peu de temps après sa mort. Les gens proches le reconnaissent à travers cette chanson. Elle me fait pleurer, évidemment...
Nouveau Ministère, c'est une chanson qu'on avait déjà avant l'enregistrement du premier album. C'est une histoire d'amour qui se termine et l'espoir d’un renouveau. J'aime les associations d'idées, les doubles sens. C'est un jeu d'écriture - Nouveau Ministère n'a rien de politique ni de religieux !
J'aime à la fois certaines formes d'écriture du rap ou du RnB actuel pour des images et des expressions qui sont nouvelles pour ma génération, j'aime aussi le langage de la rue époque Audiard, les textes de nombreuses chansons d’Alain Bashung ou Bertrand Belin et puis la littérature, la poésie... bref, j'essaie de ne pas me limiter.
Nos chansons sont belles, j'espère. Elles sont un mélange de mélodies, de gimmicks parfois joyeux et de textes plutôt mélancoliques, avec un humour particulier. J'aime qu'il y ait plusieurs degrés de lecture et d'écoute. Ce n'est pas toujours simple et direct."
Planterose est donc originaire de Rouen, placide cité Normande qui vit pourtant éclore, outre nos Dogs adorés, des formations telles que Tupelo Soul, Les Olivensteins, Persona Non Grata mais également Steeple Remove ou Tahiti 80.
" Rouen est riche en groupes. On connait Tahiti 80 depuis leurs débuts. On a même partagé de petites scènes au milieu des années 90. A cette époque, on jouait déjà ensemble avec Éric et Nicolas dans Candy Lies et Thierry jouait dans Les Rois Maudits. J'adore leur musique, et les ai vus très souvent en concert. Je suis amie avec Médéric, leur guitariste. On va faire une date avec son groupe Med en février à Rouen, et depuis quelques temps, on se dit qu'on va faire des chansons tous les deux - mais le temps nous manque ! J'habite Rouen depuis très longtemps. J'aime cette ville au-delà de son côté ville de patrimoine historique. Elle a beaucoup évolué avec plus d'espaces verts. On a redonné à la Seine une place importante dans la vie des Rouennais. On est à une heure de la mer et proche de Paris, la plus belle ville du Monde ! Il y a une offre culturelle importante et on y retrouve vite ses amis - mais il manque un peu de soleil..."
"J’ai pas mal côtoyé Tahiti 80 à leurs débuts se remémore Nicolas – et notamment Pedro, le bassiste, avec lequel on s’échangeait des programmes de musique crackés. Je les ai également sonorisés quelques fois dans des bars et fait quelques répètes à la basse avec eux. Je suis même allé jusqu’à Bruxelles avec Florence pour les voir en concert ! "
"Quand on a lancé le projet d'enregistrer le premier album, on n'avait pas de nom de groupe rembobine Florence. Je suis kinésithérapeute dans un service de CHU, et je croise énormément de personnes. Les noms de famille sont parfois étonnants, et j'ai adoré celui-ci. Il renvoie à des images qui me plaisent, finalement un peu en contradiction avec ce que je suis. J'ai la main verte et j'adore la nature, mais je préfère vivre en ville pour l'accès culturel et social. Le rose, c'est une couleur associée à la féminité - on se demande pourquoi. Moi, j'ai toujours eu un côté garçon manqué, mélancolique. La rose, c'est la fleur du Petit Prince évidemment. Elle pique, elle se protège, mais elle veut qu'on l'aime."
" La conception du premier album s’est écoulée sur plus de 4 ans ! se souvient Nicolas. Au départ, nous n’avions pas forcément de velléités discographiques, mais seulement le plaisir de se retrouver avec Florence et Thierry pour composer des chansons, sans but précis. Et puis on a rappelé Éric, avec qui nous avions déjà joué par le passé, et qui comme toujours a répondu présent ! Cette période nous a permis de trouver un mode de fonctionnement et de répartition des rôles qui nous convient. Cela nous a également permis d’être plus efficaces pour l’écriture et l’enregistrement du deuxième album qu’on a bouclés en six mois. Nos précédentes expériences d’enregistrements s’étaient révélées décevantes pour diverses raisons : manque de moyens, de temps en studio, de préparation, de maturité aussi, incompatibilités artistiques avec d’autres membres. Puis il y a eu la rencontre avec Vincent Blanchard chez qui nous avons enregistré les deux albums et Éric Lefebvre, son compère au mixage. Ils ont rapidement compris notre propos et sont aussi responsables de la réussite de ces deux albums. Nous envisageons d’ailleurs une collaboration plus poussée avec eux pour les prochains enregistrements."
"Quand on avait écouté Planterose pour la première fois en studio après le mixage, on s'était dit Whaouh ! on a fait un vrai bon disque ! renchérit Florence. Et c'est toujours le même sentiment. C'est totalement authentique. Après des expériences de groupes décevantes, voire déprimantes, c'était vraiment un moment de joie et de fierté. On se connait depuis les années 90 et on a joué ensemble dans plusieurs groupes dans lesquels mon rôle n'était que d'écrire et de chanter. C'était déjà Pop évidemment.
Pour ce projet, j'ai eu envie d'imposer le choix des arrangements, en y participant activement et en assumant les orientations. Nos goûts communs sont la pop, des 60’s à aujourd'hui, et les musiques indés en général. On écoute aussi du Rock & Roll, de l'électro, de la Soul, du Dub, du Reggae, de la Bossa-Nova, de l’Ethnojazz, des musiques orientales, de la chanson française, du Hip-Hop, etc. Mais tout ne s'entend pas forcément dans notre musique ! "
Quoi qu’il en soit et pour conclure, un groupe qui cite l’ancien footballeur international Didier six – sur le caustique On Est Pop – ne peut pas être fondamentalement mauvais.
" J'aime le Football ! Didier Six était un joueur que j'aimais bien quand j'étais enfant et son nom de famille est cool - ça a un côté madeleine pour moi, le football. Une histoire de famille, d'émotions partagées."
NOUVEAU MINISTÈRE (Autoproduit / Tarentula Records / Believe) Septembre 2024
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