Des corps nus, des mouvements, l'invisible trace d'une acceptation de soi... Stéphanie Di Domenico sublime avec bienveillance les pas intimes des femmes qui viennent à sa rencontre dans un éveil de tous les sens, tout comme elle regarde en face sa propre façon d'exister devant l'objectif, osant ce que sa raison réprouve, et faisant de cet instant de vie un moment unique et libérateur.
Tu te présentes en tant que photographe thérapeute, en quoi consiste ce travail et comment procèdes-tu ?
J’accompagne les femmes en toute bienveillance vers une acceptation sereine de leurs corps. Elles viennent à moi pour diverses raisons : une rupture, l’annonce d’une maladie, une perte de poids, un corps qu’on ne reconnait pas. Ici on apprend à faire connaissance, je les emmène pas à pas dans le respect de leur intimité à reconnaître ce qu’il y a de beau, d’émouvant, de séduisant, à apprivoiser son image, de s’abandonner à travers mon regard et laisser venir ce qu’on a à raconter ce jour-là.
Tu fais également beaucoup d'autoportraits nus où ton appareil est toujours visible. Qu'y a t-il derrière cette introspection ?
Il faut savoir que nous sommes deux, il y a moi et la seconde Stéphanie, celle qu'on voit avec son appareil, qui ose tout, qui a une confiance de dingue, qui est ancrée, qui n'a peur de rien, qui boufferait le monde entier. Depuis que je l'ai rencontrée courant 2015, on ne se quitte plus, elle me guide, me redonne confiance quand je flanche, ose pour moi quand je ne me sens pas légitime. C'est ma force, on se complète.
« Mon influence, les femmes " me disais-tu. Et effectivement il y a peu d'hommes dans ton travail. Pour quelle raison ?
Quand je me suis mise à la photographie, il se trouve que mon choix s'est automatiquement dirigé vers les femmes, j'avais cette envie de prendre soin d'elles. Il n'y a aucune raison particulière, j'en photographie moins certes, mais il y en a.
Quelques hommes sont déjà venus à moi pour des photos de nu, ceux qui ont fait cette démarche étaient dans le but de lâcher prise, de se voir sous un autre regard, d'être moins dur envers eux mêmes et laisser parler sa part de féminité.
Pour que ça colle il faut que la démarche sois sincère et nous pourrons instaurer une bulle de confiance.
Je remarque également que "tes femmes " n'ont presque jamais de visage. Est-ce une façon de les protéger ou de rendre leur corps universel ?
Pour moi c'est plus percutant que d'associer un visage à un corps. Finalement on s'en fout un peu de qui c'est. J'aime à savoir que l'on puisse se reconnaître dans chacune de mes photos : un pli, un mouvement, une attitude, des courbes, que l'on puisse avoir cette douceur, ce regard bienveillant, comme si on se regardait soi-même. Se parler comme on parlerait à une amie.
On peut voir dans ton travail beaucoup de paysages également. Quel lien fais-tu avec ces deux sujets dominants (Nu et Nature).
Les femmes, les lieux, les moments que j'ai décidé de photographie sont cela. Imparfaits, réels, vivants, fidèles à eux-mêmes, dans mon prisme en tout cas. Je ne sais pas si il y a vraiment un lien, si c'est ce le cas c'est complètement inconscient, ce sont justes des moments d'intimité que j'ai, seule avec la nature et qui me sont bénéfiques pour pouvoir affronter le monde.
Pourtant et c'est peut-être paradoxal, mais le nom de ton site, Another day before death possède en lui une certaine gravité.
Ça l'est oui, mais au final tout ça se rejoint, la vie, la mort... Du moment que l'on arrive sur terre, on sait que l'on va mourir un jour. Ou ? quand ? Comment ? Alors Another day c'est un jour de gagné à vivre, à voir, à saisir, à photographier, pour laisser une trace de mon passage sur cette terre. J'y raconte mon histoire, mes tourments, mon chaos, mes tempêtes émotionnelles, mes rencontres. C'est mon exutoire. A ce sujet j'ai récemment lancé les pré-commandes de mon tout dernier projet photos justement nommé Another day before death que j'auto-édite en édition limitée, 140 pages en argentique.
C'est un peu comme mon journal intime, je photographie ma vie tous les jours et j'ai voulu en faire un book, sans censure. Pas de numéro, juste des suites (à suivre) quand j'éprouverais le besoin de partager mes images.
Frédéric Lemaître
Photographe thérapeutique
Le lien pour les précommandes
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