top of page
Photo du rédacteurPERSONA

The Sirens Of Titan // Age Of Treason


©Andrew Hobbs

« Ce n'est qu'une illusion terrestre de croire que les minutes se succèdent comme les grains d'un chapelet et qu'une fois disparues, elles le sont pour de bon » écrivait Kurt Vonnegut Jr.

Il est certain que notre perception du temps et de ce qui gravite autour, à la vitesse de la lumière, nous échappe grandement. Vaguelettes que nous sommes à l'échelle de l'univers où les mythologies que nous nous inventons forment autant de mondes parallèles qu'un esprit vagabond pourrait en imaginer les plus épiques épitaphes individuelles. L'après-vie d’une petite mort rêvée où la réalité semble n'être, en somme, qu'une vaste trahison… En ce sens, la formation anglaise The Sirens of Titan, menée par John-Paul Pryor et Jez Leather, nous revient d'outre temps en mélangeant allègrement les époques comme s'ils étaient passés par un multivers jouissif pour nous offrir une nouvelle clé de voûte discographique nommée Age Of Treason. Dans cet album, les deux compères élargissent leur palette, passant par un prisme plus riche que jamais, tantôt rock, tantôt psychédélique, tantôt folk. Un plaisir complet tant au niveau des orchestrations subtiles de Jez Leather que par la voix de crooner de John-Paul Pryor, chaude et langoureuse. L'ensemble fait tout le charme de cet édifice esthétique qui n'a rien à envier à son prédécesseur de 6 ans son aîné, tant l'opus abonde d'inspirations transcendantales, de formules sonores magiques et autres scénographies musicales luxuriantes, lesquelles apportent, aux textes à la beauté tranchante, un éclairage tout particulier. Dans cette vraie ligne de vie cohabitent tensions et tentations, avec au milieu l'envie des désirs. Utopies, dystopies, nonchalances, venimeux esthétisme sublimé.


L'univers de The Sirens of Titan pourrait être décrit comme mélodique avec une sensibilité extrême. Mais comment définiriez-vous votre univers ?

JP : Je le définirais comme évoquant mon temps de rêve intérieur – The Sirens of Titan est fondamentalement mon paysage intérieur en termes de paroles. Je suppose qu'il y a une sensibilité là-dedans qui met parfois un côté féminin en avant et qui je l'espère résonnera. C’est un univers qui essaie de transmettre une sorte de classicisme en termes de son, et porte beaucoup de nos influences. Dans un sens poétique, je dirais que notre univers est une machine à rêves analogique qui atteint un passé sonique archétypique et espère parler du moment présent, tirant son pouvoir des grands thèmes du zeitgeist, tels que le choc des croyances religieuses et du rationalisme scientifique. Il s’agit essentiellement de cartographier une sorte de trajectoire morale dans un monde tristement imparfait.

JL: La mélodie est l'aspect le plus important de toute la musique que j'aide à créer. Je n'ai jamais été un mec d'accords, je les trouve trop restrictifs, bien qu'utilisables pour jouer avec d'autres musiciens. Je construis généralement des mélodies et des contre-mélodies qui combinent et définissent les accords de la chanson, qui peuvent ensuite être facilement mutés en jouant avec l'une ou l'autre des lignes de mélodie. L’univers musical des Sirens est défini par ces mélodies changeantes et l’interaction de toutes les interprétations subtiles que les merveilleux musiciens du groupe apportent.


Votre nouvel album, Age of Treason, est sorti cet été. Était-ce aussi un moyen de vous réinventer en étirant le fil de votre 1er album de 2017 ?

JP: Je pense que c'est un commentaire juste. Nous avions l'intention de sortir Age of Treason au printemps (de) 2020 mais ensuite, bien sûr, le monde a été jeté dans les jours sombres de la pandémie, et c'est pendant ce temps que nous avons fait évoluer le son plus loin et commencé à écrire des chansons que nous ajouterions ensuite à l'enregistrement. Je suppose que nous voulions montrer que nous avions beaucoup plus à offrir. Apocalypse Sessions a toujours été conçu comme un album concept, étant extrêmement vivant, diversifié. Il ne représentait pas toute notre histoire en tant que musiciens, et nous voulions développer ce que The Sirens of Titan signifiait pour nous, être à la hauteur de notre nom. Nous aurons bientôt un EP qui va aller encore plus loin que Age of Treason, sur le côté "rock spatial ". Il s’appelle Lost Kingdom et c’est une sorte d’addendum à l’album, dont nous sommes déterminés à maintenir et à améliorer le niveau.

JL : The Sirens of Titan sont dans un état constant de réinvention qui est ébranlé par les temps tumultueux dans lesquels nous vivons. En regardant en arrière sur le premier album, nous étions un groupe disparate, même si nos amitiés ont été cimentées pendant l'enregistrement de l'album, nous avons des relations complètement différentes l'un avec l'autre maintenant et nous avons une connaissance et une compréhension beaucoup plus intime de chacun. Cela a conduit, à ce que je pense être un album vraiment riche et satisfaisant qui contient beaucoup de souvenirs spéciaux, malgré le contexte de l'enregistrement qui était rempli d'incertitudes et de terreur existentielle. Et comme JP l'a dit, le niveau est maintenu très haut et nous avons hâte de vous faire entendre la suite .


Vous avez fait un excellent travail mélodique sur cet album. Comment s'est passé le processus de composition et comment avez-vous enregistré cet album ?

JP: La plupart des chansons commencent avec une guitare acoustique et l'insomnie. Puis j'apporte ces chansons à Jez et nous travaillons à les transformer en quelque chose de beaucoup plus grand. Nous avons une sorte d'abréviation de l'écriture des chansons et avons des goûts similaires, donc il y a une véritable synergie dans la façon dont nous travaillons ensemble. Dans certains cas, cependant, comme la chanson Bunny, Jez est arrivé avec la mélodie et j’ai écris les paroles. Nous commençons ensuite à élaborer des démos avec le groupe et un collectif assez large de musiciens. Nous commençons l'enregistrement des prises en direct. Notre relation en termes de composition se déplace actuellement vers un territoire plus cinématographique, ce qui est passionnant.

JL: JP est une entité de composition de chansons rock’n’roll, prolifique - j’ai du mal à suivre ! Mais oui, quand il a quelques jours de repos, j'arrive à imaginer le "rock spatial " qu'il va magiquement transformer en poussières d'étoiles quand il ajoutera ses paroles. Quant à l'enregistrement, la majorité se passe dans notre propre studio Dynamite Jet Saloon où nous pouvons inviter tous nos amis autour de nous pour rejoindre notre communauté sonore. L’enregistrement de Age of Treason était du pur plaisir et réussi dés la première prise !



Dans cet album, vous mettez dans la musique une forme de dualité touchante, avec une véritable ambivalence de sentiments où l’espoir et le désespoir coexistent. Était-ce la directive qui guidait son écriture ?

JP: Je pense que c'est une très bonne façon de décrire ce qui se passe dans notre musique. J'ai tendance à vivre dans un espace qui se situe quelque part entre l'espoir et la croyance en l'amour et une sorte de désespérance existentielle, et mes chansons le reflètent probablement. J'ai eu des moments où je me suis senti au bord du désespoir et c'est toujours la musique qui m'attire à travers mes luttes personnelles. Je pense que nous vivons dans un monde de paradoxes extrêmement complexes, en nuances de gris, et mes paroles cherchent probablement à refléter cette ambiguïté – c’est quelque chose comme être spirituel en essence, mais sans la contrainte de tout type de religion. Je suis motivé dans la création par des idées de vérité et de beauté éternelles face au vide et au désert de la folie humaine. Je me sens plutôt ambivalent à propos de l’expérience de la réalité – pour moi, c’est souvent comme si être vivant c’était simplement passer par un rêve, ou être une âme éternelle en mouvement dans un univers temporel. Je pense que mon écriture le reflète.

JL: C'est au cœur de notre vie et celle de la plupart des autres, et je suis touché que vous puissiez l'entendre se refléter dans notre musique.


Le travail presque iconographique de vos visuels (couvertures et clips) renforce encore plus la notion romantique du romantisme. Comment avez-vous développé ça ?

JP: Il y a quelque chose de profondément romantique à propos du tableau de Wolfe Von Lenkiewicz sur la couverture de l'album, et l'attraction vers une sorte de romantisme revient à cette notion de classicisme qui est au cœur de The Sirens of Titan. Nous essayons de transmettre quelque chose qui est au-delà de nous-mêmes, et quelque chose dans lequel vous pouvez vous perdre. La danse de la beauté et de la tragédie dans le travail de Wolfe sur le martyr chrétien St Sebastian m'a parlé si fortement, surtout pendant la pandémie, et nous avons été très honorés qu'il nous permette d'utiliser son travail pour la couverture de l'album.

JL: J'ai été bouleversé quand JP m'a dit que Wolfe allait nous laisser utiliser ce tableau pour la couverture du disque. Nous avions d'abord pensé à mettre le nom du groupe et le nom de l'album sur la couverture, mais l'image elle-même était tellement emblématique que nous avons décidé de la laisser telle quelle. Avec les clips que nous avons réalisés, nous nous sommes vraiment plongés dans nos influences cinématographiques, mais nous avons également été très chanceux d'avoir des réalisateurs incroyables qui ont compris nos chansons pour le plus beau des effets.


Stephane Perraux

Traduction : Annick Fidji



THE SIRENS OF TITAN - Age Of Treason - (Atlantic Curve) 25/08/2023

Tableau de Wolfe Von Lenkiewicz



131 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page