©Camille Bokhobza
La première fois que j’ai aperçu Cosmic Neman, il venait de tourner le coin de la rue, s’engageant dans le Passage Louis Philippe tout droit vers le café de la Danse. Il marchait vers son propre concert, d’un pas tranquille, sa paire de baguettes à la main, se frayant bientôt un chemin dans la foule des spectateurs attendant l’ouverture de la salle. On devait être au tournant des années 2000 et le concert était celui des Herman Düne. Je me souviens que son allure détendue m’avait frappée. Je me souviens m’être dit qu’il jouait de la batterie comme il marchait ou bien l’inverse, qu’il avançait comme il jouait, l’aire de ne pas y toucher, présent et désinvolte à la fois, habité mais léger. C’est exactement la même sensation que je retrouve à l’écoute de Vae Vobis des Zombie Zombie. Le jeu de batterie de Cosmic Neman est riche sans être écrasant. Vers le milieu du disque, il me rappelle même celui de Steve Shelley, pour moi un des plus grands batteurs de rock. Sauf que le membre des Sonic Youth était penché sur son instrument quand il jouait, en apnée, dense et fermé presque, tandis que Cosmic Neman est aérien dans son jeu. Il est aussi un peu plus répétitif parfois, sur ce disque en tous cas, ce qui laisse de l’espace aux claviers et machines d’Etienne Jaumet. Le jeu des deux musiciens est ainsi imbriqué et on passe facilement de l’un à l’autre. Les sons créés par Jaumet sont nombreux, multiples, jamais répétitifs. D’un univers aqueux ( Ring Modulus ), on passe à une ambiance de film fantastique ( Aurora ) et on se souvient de l’influence des films d’horreur dans la musique de Zombie Zombie et particulièrement de ceux de John Carpenter, à qui le groupe a dédié un Ep. L’ambiance est sombre mais on ne se lasse jamais des morceaux. Sur « Dissolution », on pense à Jean-Michel Jarre période Equinoxe, sous acide et qui aurait rencontré un bon batteur. Et c’est un compliment. On peut finir épuisé à la fin de l’album, tant il est dense, et on se dit qu’on a écouté un disque habité navigant dans des eaux profondes et noires. D’ailleurs, les titres des morceaux évoquent la guerre ( War is coming , Modus Operandi ), le chaos ( Erebus ) et les ténèbres ( Lux in tenebris, Aurora ). On en vient à se demander si les voix passées au Vocoder déclamant des textes latins sont nécessaires, tant la musique est déjà pleine. A moins que leur fonction ne soit la même que certaines scènes de film d’horreur, gratter l’auditeur, ne pas le laisser tranquillement assis sur sa chaise. Et à la fin seulement, alors, après avoir transpiré avec les deux musiciens, tombe la sentence annoncée par le titre du disque : « Va en Paix ».
Matthieu Davette
Vae Vobis (Born Bad) Sortie le 25 février 2022
©Philippe Druillet
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